noël toute l'année

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C’est Noël car il neige dans MA tête…

bon, entendons-nous tout de suite, j’ai toujours été hors sujet.

entre l’âge de neuf et onze ans, alors que mes camarades de classe trippaient sur new kids on the block et bon jovi, moi je tapissais ma chambre de photos de napoléon bonaparte. au secondaire, je regardais les parapluies de cherbourg en loop pendant que mes amies apprenaient par coeur les tounes de dirty dancing.  la directrice de ma maternelle a dû convoquer mes parents parceque j’avais persuadé mes petits camarades que j’étais une princesse d’une autre galaxie.

la majeure partie de ma vie j’ai été tour à tour mowgli, ferdinand le taureau et le vilain petit canard.   pas rapport.

je me suis habituée à être toute seule sur ma planète, jusqu’à ce que ma carrière échevelée dans « le milieu » me fasse découvrir d’autres mésadaptés; loin de l’usine-à-médecins-et-avocates que j’appelais l’école, j’ai eu la chance de me constituer une famille d’autres « originaux » pour qui mon itunes peuplé de musique pour le troisième âge, le fait que je préfère les chiens aux bébés et mes théories sur l’apocalypse étaient loin de faire de moi la plus étrange de notre petite troupe.

until now.

les nouveaux sommets d’asynchronisme inhérents à ma nouvelle vocation me font craindre un nouvel aller simple pour une planète solitaire, une planète trop étrange même pour les étranges.

même les plus patients de mes amis n’en peuvent plus d’entendre parler du père noël.

et moi j’ai de plus en plus de mal à parler d’autre chose. dans ma tête c’est noël toute l’année, et je trouve parfaitement normal de discuter cadeaux et rennes au mois de juillet.  ma normalité a maintenant un arrière-goût d’egg-nog.

j’ai pris conscience de la gravité de la situation il y a quelques semaines, alors que l’été prenait ses aises à montréal et qu’au terme d’une matinée d’appels conférences avec le pôle-nord, je prends la route de la maison, ipod sur les oreilles. j’ai une bande sonore pour toute situation, et si le matin je me sers des trucs inavouables pour me mettre en marche (tel ceci, ou pire, cela ), la marche du retour est généralement habillée de dinah washington ou billie holiday. je me plogue donc sur une liste automatique de jazz et entame la marche d’une demi heure qui me mène chez moi.

le soleil tappant de midi est voilé de quelques cumulus en transit, la brise est douce et les gens souriants: je suis dans ma bulle, en proie à un de ces « moments » : la vie est belle, tout est possible, je peux-je veux-je vais écrire quatre scénarios/déménager à NYC/me teindre en blonde — bref, j’ai ben du fun avec mes endorphines.  je n’écoute pas vraiment la musique mais emportée par un flot de nouvelles idées, je marche sur le rythme d’un pas sautillant et fredonne.

"Gone away is the bluebird, Here to stay is a new bird"

ah, ella. comme à chaque fois qu’elle résonne dans mes oreilles, un de mes neurones s’extasie auprès de son voisin:
– aaahhh, quelle voix…
neurone-voisin renchérit:
– louis armstrong disait qu’il pouvait accorder son piano à sa voix…
mon cervelet délaisse progressivement ma branle créative et plonge dans la musique. emportée par une orchestration vieillotte particulièrement entraînante, je tourne sur une rue peu fréquentée à deux minutes de chez moi et je me permets quelques petits pas de danse sur le macadam…

une silhouette se profilant à l’horizon, je me resaisis, honteuse à l’idée que cette personne m’ait vue…

… mais évidemment, cette personne m’a vue.

et évidemment, cette personne s’avère être un de mes bons amis.

parvenu à quelques pas de moi, il me lance un regard entendu et imite mes stepettes maladroites.

– hey chollet, j’pensais qu’on s’était entendu que tu dansais plus en public? » arrivé à ma hauteur, il m’embrasse et saisit un de mes écouteurs, le plongeant dans son oreille sans que j’ai la chance d’arrêter ma musique: « bon, qu’est-ce que t’écoutes là, walking on sunshine…? »

difficile de vous décrire « la face » que m’a servie mon pauvre ami; horrifié… perplexe… incrédule… et surtout inquiet. j’ai vraiment lu dans ses yeux: « mon dieu, ça y est, elle a pété le dernier plomb, ce n’est plus récupérable. »

c’est à ce moment que j’ai ENTENDU ce que j’écoutais. ella fitzgerald, certes…. mais ella fitzgerald chantant « let it snow. »

oui, « let it snow » câlisse.

depuis mon départ du bureau, SEPT classiques des fêtes s’étaient succédés dans mes oreilles, à 30 degrés sous le soleil… et pour mon neurone endoctriné, rien de plus normal.

alors avant de devoir troquer mies van der rohe pour louis h. lafontaine, la siffleuse va tenter d’offrir à sa névrose du temps des fêtes un carré de sable exutoire, dévidoir confidentiel qui n’aura d’intérêt pour personne mais lui permettra peut-être de revenir sur terre et éviter à son entourage les dommages collatéraux de sa mono-obsession.

joyeux noël.  vous aurez été prévenus.